CINQUIEME CHAPITRE

LA PERIODE DE TRANSITION

Le marxisme est une théorie de l’Etat et de la révolution, de la libération de la classe ouvrière de l’Etat via la révolution.

Pour se distinguer des innombrables systèmes « socialistes », Marx écrit que ce socialisme représente une révolution permanente. Par d’autres mots, pour qu’il n’y ait de restauration, comme il arrive après toute autre révolution, le socialisme doit, dans les conditions de l’État déjà, être une révolution continue, c’.à.d. sans « reconstructions ». Cette révolution continue n’est exprimée qu’en la disparition de l’Etat. Engels a expliqué cela d’une brillante manière philosophique.  Le coup, c’.à.d. la révolution – c’est un frottement concentré et le frottement, c’.à.d. l’Etat – c’est un coup à longue durée. Ce que le coup (la révolution) ne peut pas faire, peut être fait par le frottement (l’Etat). La révolution de la classe ouvrière est en réalité une explosion de l’ancien Etat, un frottement concentré contre la bourgeoisie, tandis que l’Etat de la classe ouvrière est un coup continu contre elle, c’.à.d. c’est la dictature de la classe ouvrière qui est cette révolution continue dont Marx écrit. Voilà pourquoi le socialisme est l’unité de la révolution de la classe ouvrière et la dictature de la classe ouvrière.

La révolution est une explosion de forces productrices et rapports de production, de rapports de production anciens et fossiles et nouvelles forces productrices.

On a l’impression que les Grandes révolutions sont discernées parmi toutes les autres, qui vont par deux pour un même moyen de production. La première ne fait qu’annoncer la nécessité des nouveaux rapports de production, les forces productrices restant dans le cadre des rapports de production anciens, c’.à.d. l’ancien moyen de production reste dominant. La deuxième Grande révolution affirme les nouveaux rapports de production, elle vient à les établir de manière finale en tant que rapports de production triomphants, c’.à.d. elle donne le début d’un nouveau moyen de production, imposé en tant que dominant et pas comme un cas isolé dans un ou plusieurs Etats séparés.

Comme la transition au moyen de production esclavagiste s’est passée en évolution, graduellement, on ne peut pas y parler de révolutions. La décomposition du communisme primitif et la transition à une société de classes, tout comme le processus inverse – la transition d’une société de classe au communisme – est un processus graduel, une voie évolutive.

On peut considérer en tant qu’une première révolution féodale l’acceptation du christianisme pour une religion d’Etat au concile oecuménique de Nichée en 332. Plus tard la conversion au christianisme en tant que religion officielle par les Etats médiévaux distincts vient à légaliser l’exploitation féodale établie, à établir le nouveau moyen de production, parce que le nouvelles forces productrices exigent qu’on rompe le lien avec les anciens rapports de production et imposent une frontière qui doit être passée ou, autrement, l’Etat doit disparaître, comme cela a été en Bulgarie.

Pour une deuxième Grande révolution, ayant affermi les rapports de production féodaux à l’échelle mondiale on peut admettre la chute de l’Empire Romain de l’Ouest à la fin du 5ème siècle – en 476, quand le chef germain Odoacre détrône l’empereur Augustul.

La révolution anglaise de 1640, Cromwell en tête, n’est qu’un précurseur du temps nouveau, qui cependant n’impose pas de rapports de production capitalistes typiques. Cela est fait par la Grande révolution française de 1789 qui répond à la nécessité historique de nouveaux rapports de production, d’un changement radical du moyen de production. Le même est valable pour le socialisme aussi. La Grande Révolution socialiste d’octobre des bolchevistes en 1917 ne fait qu’annoncer la nécessité de nouveaux rapports de production qui sont en retard par rapport au niveau de développement des forces productrices, le moyen de production restant jusqu’à nos jours capitaliste. Il y aura encore une nouvelle Grande révolution socialiste qui finalement établira les nouveaux rapports de production et le moyen de production socialiste. Elle sera la dernière révolution socialiste de la société sur la Terre, ouvrant les portes aux espaces méconnus jusqu’alors !

Tout moyen de production nouveau crée un niveau supérieur d’organisation du travail, une organisation du temps de travail supérieure à la précédente, tout en créant de telles « conditions qui pour le développement des forces productrices, des rapports sociaux et de la création des éléments d’une nouvelle forme supérieure sont plus convenables que les formes précédentes… » (Marx, Le Capital, V.3, l’italique à nous).

Plus convenables surtout, mais non plus souhaités par l’individu.

Tout moyen de production, dès son engendrement jusqu’à sa disparition, a ses périodes transitoires, lorsque ses germes apparaissent du sein de l’ancienne période et des périodes de maturité au cours desquelles il existe indépendamment, en état pur, sans additions d’un autre moyen de production.

On appelle cette période transitoire parce qu’elle donne le début de nouvelles relations de production (lorsque les anciennes disparaissent) jusqu’à leur victoire complète, c’.à.d. c’est justement la période quand les Grandes révolutions éclatent.

Le Néolithique, ayant commencé du VIII-VI millénaire avant J.C. et le Chalcolithique, ayant continué de 5500 av.J.C. à 3500 av.J.C., représentent la période de maturité de la société primitive. A la fin du Chalcolithique et au début de l’Age du bronze commence la décomposition de la société primitive à continuer jusqu’à 3200 av.J.C., lorsque apparaissent les premières cités en Sumer et le premières nomes en Egypte qui représente une période de transition du communisme primitif à la société de classe, de la société primitive à la société d’Etat. Le moyen de production esclavagiste continue environ 3700 ± 100 ans, de 3200 av.J.C. à 476. Bien sur, c’est une périodisation conditionnelle, parce que les processus économiques ne vont pas d’une date à l’autre. La période de maturité de l’esclavage continue du V s.av.J.C. – le temps de la démocratie grecque classique – au III siècle – le dépérissement de l’Empire Romain.

La période de transition du moyen production esclavagiste au moyen de production féodal va du IV au VI siècle inclusivement, lorsque le premiers Etats féodaux du bas Moyen Age – la Bysance, l’Etat Franc. La durée du féodalisme est environ 1350 ± 50 ans. La période de maturité de ce système social, l’épanouissement du féodalisme, est du X au XV siècle.

La période de transition du moyen de production féodal au moyen de production capitaliste se trouve entre le XVI et le XVIII siècle inclusivement. Les rapports de production féodaux prédominent jusqu’à la fin du XVIII s. La frontière conditionnelle est l’an 1789 – l’année de la Grande révolution française. Il est difficile de parler de capitalisme avant cette date. En 1758 il est arrivé un miracle, « un événement historique » - le premier bourgeois en Angleterre avait sa propre calèche ! C’est à peine après 1800 que l’Angleterre, la France et d’autres avaient leurs rapports capitalistes développés dans leur sens contemporain. Le capitalisme en forme développée, en tant que moyen de production affirmé, ne peut être accepté que dès l’apparition des machines et de la grosse industrie et pas de la période de la manufacture qui n’est qu’une ouverture, une période de transition au capitalisme. C’est « l'accumulation initiale du capital ». C’est justement la période transitoire au capitalisme, la période qui continue du XVI à la fin du XVIII siècle.

« Bien que les premiers éléments de la production capitaliste soient sporadiquement rencontrées encore en XIV et XV siècles dans certaines villes de la Méditerranée, l’époque capitaliste date à peine du XVI siècle. » (Marx, Le Capital, V.1).

En effet, il date du XVI-ème siècle mais seulement en tant que début de la période transitoire, mêlant de types différents de rapports de production. Parce que la période de transition comporte de vieux rapports de production en train de disparaître mais tout en restant dominants et c’est ce qui la fait part de l’ancien système social. C’est pourquoi la période de la manufacture, prise en tant que période transitoire est chronologiquement rapportée au féodalisme. Dans le cadre de la manufacture qui n’est pas encore un vrai capitalisme, le capital, à son âge enfantin, n’aurait pu « occuper tout le temps de travail disponible aux ouvriers manufacturiers. »[1] La manufacture n’avait pas pu « transformer de manière radicale » la production sociale, elle n’est qu’une « décoration architecturale de l'édifice économique »[2] du moyen de production féodal. Le capitalisme développé s’est politiquement manifesté à peine pendant la révolution de 1830 en France, lorsque la classe ouvrière est apparue pour la première fois sur la scène historique en tant qu’une force sociale distincte et indépendante. Ainsi, le capitalisme contemporain a une histoire, une biographie relativement courtes – seulement 200 ans !

Voilà pourquoi, tout comme la période de la manufacture représente une période de transition au capitalisme, considérée comme une part du moyen de production féodal, le socialisme, étant une période de transition au communisme doit être mis au rang du capitalisme, parce qu’il est une société de classe de rapports marchands.

Aujourd’hui on s’est mis à parler de civilisations cosmiques en cherchant leurs régularités. L’erreur principale de tous les savants est qu’ils sautent des étapes entières du développement historique de la société, il mêlent des états complètement différents de la société, des niveaux différents de son organisation. C’est pourquoi on ne fait que deviner la civilisation cosmique de la Terre. Et la société humaine deviendra une civilisation cosmique dans le sens propre de ce mot, c’.à.d. elle ne se rendrait maître de son système solaire que quand elle aura survécu ses antagonismes de classe, c’.à.d. après la disparition de l’Etat.

C’est pour cela, en n’examinant que le développement de la société de classe, c’.à.d. dès l’apparition de l’Etat, nous pouvons établir le fait suivant, découvert par Enrico Fermi aussi – la société humaine se développe suivant une loi exponentielle. Laquelle plus précisément ? Encore Engels avait remarqué que les forces productrices accroissent avec le temps en progression géométrique.[3] En réalité, les forces productrices se développent en progression géométrique au quotient q = e. Si l’esclavage avait duré environs 3700 ans, il s’en suit 1360 ans pour le féodalisme, d’autant qu’il a duré en réalité ! Voilà pourquoi, en calculant suivant la même loi, nous aurons 500 ans de durée des rapports de production – capitalistes et socialistes, ce qui est la fin des rapports marchands, de l’échange en général, et cela est la fin de l’État même ! Toute la période d’existence de l’État comprend une durée de plus de 5500 ans et n’est qu’une période d’incubation. L’époque de l’Etat est une grossesse de la Terre, une période utérine du développement de l’embryon – HOMO COSMICUS !

L’humanité a déterminé les époques historiques de la société de classe d’une manière étrangement précise. En réalité, si l’État était éternel, le capitalisme dans le futur lointain aurait eu l’air d’antiquité classique. Toute la division de l’histoire en antiquité, Moyen Age et temps modernes n’est vrai que parce que l’État disparaîtra dans le futur proche. Depuis ce temps l’Homme écrira une histoire toute nouvelle dans une ère nouvelle.

Ainsi, parait-il que l’État aura environs 3 siècles de vie – jusqu’à la fin du XXIII-ème siècle. La nouvelle ère – le communisme viendra avec le début du XXIV-ème siècle !

La science officielle se plaignait que « les nouvelles lois du développement historique de la forme sociale du mouvement de la matière sont loin d’être révélées ».[4] En réalité, pas une école dogmatique n’avait jamais compris, d’autant moins révélé aucune lois – ni historiques, ni dialectiques – du développement de la société. Toute école dogmatique ne voit pas plus loin de son nez, parce qu’elle est basée à des agents payés du système, hommes nourris par le pouvoir, comme Karl Poper par exemple, engagés à prouver « de façon scientifique » comment la société peut devenir ouverte, ayant donné que son histoire est déjà finie ! La tache de ce type d’  « experts » est de nous ouvrir les yeux, mais ils oublient toujours que même dans les sociétés de classe les plus ouvertes la somme des cages et des taudis fait de leur habitants une société tout fermée. Ce type d’ersatz-penseurs sont toujours des défenseurs de leur propre tranquillité et c’est pour cela que pour eux « l’histoire n"a pas de sens » ! Et c’est bien que l’histoire ne dépend pas d’eux, et de cette façon leur sens n’a pas d’histoire !



[1] Marx, Le Capital, V.1.

[2] A la même place.

[3] Marx, Le Capital, Vol.1.

[4] Le journal « Narodno delo » du 26.09.1986.


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