Troisième chapitre

« L’ETAT NATIONAL »

Un grand philosophe a remarqué que toute grande théorie avait souffert trois phases. Tout d’abord elle est accueillie par un silence mortel, après – par une critique furieuse et finalement – adaptée par des élèves bienveillant aux « nouvelles conditions » pour être autant dénaturée que son fondateur même ne peut la reconnaître, suivant le principe irrévocable que tout principe peut être modifié ! « Claire, la source de la vérité donne le début d’une rivière, mais puis ternit »[1]

Le marxisme, étant le sommet de toutes les théories sociales de tous les temps, n’en fait pas d’exception. Il parait que c’est à cause de sa grandeur. Comme une vase collante, comme un polype, inséré dans le marxisme l’opportunisme est né et a obtenu son droit d’existence. Pour lutter contre cet imago on a crée le parti léniniste des bolcheviques. C’est pour cela qu’il était appelé parti de type nouveau – parce qu’il défendait ferme et jusqu’au dernier bout les principes et la netteté du marxisme, luttant contre toutes ses dénaturations possibles et toute saleté. Et c’est justement le secret de son succès – la réalisation de la Révolution d’octobre.

Mais aujourd’hui les mots de Lénine des grands révolutionnaires sont toujours valables – qu’après leur mort leurs noms, transformés en « icônes inoffensives » ne sont célébrés que pour soulager les classes opprimées, à cause du traitement attentif de la théorie entière par des carriéristes en coterie. Ces mots de Lénine visent Lénine lui-même. Il n’y avait de plus grands fripons politiques que ceux qui sonnaient la cloche qu’ils continuaient à développer la théorie de Lénine dans les « nouvelles conditions ».

La dénaturation principale du marxisme a toujours été sur son point essentiel, sur l’essence du communisme scientifique – la reconnaissance réelle de la dictature de la classe ouvrière. Tout comme le mythe du « capitalisme populaire » propagé il y a un certain temps dans les pays de l’Ouest, chez nous il a été introduit le mythe du « socialisme populaire ». Mais la suggestion est la même. A tout pouvoir « populaire » - du « capitalisme populaire » au « socialisme populaire » - la plus grande illusion suggérée aux classes opprimées est que le peuple était le souverain, c’.à.d. que tout le peuple est son propre maître. Le rêve de chaque opportuniste dès Lassal et Prudon à nos jours est de représenter d’une manière fade l’Etat socialiste pas comme une dictature de la classe ouvrière, mais comme une sorte « d’ Etat du peuple ». Un Bernschtein, par exemple, considère qu’il faut omettre la signification réelle du mot « dictature » et lui donner un sens plus faible. Un Bernschtein croit que « la démocratie signifie l'omission en principe de la domination de classe, soit-il pas une omission des classes ». Comme cela sonne excellent. Comme cela flatte l’oreille ! Cela est, sinon naïveté, une démagogie pure, une hypocrisie complète.

Les classiques du communisme ont depuis longtemps élucidé cette question. C’est un débat vieux. Et malgré cela aujourd’hui toujours les « marxistes » fidèles  développent la théorie de Marx, Engels et Lénine de la même manière que Lassal le faisait, dans le but à parvenir à cet Etat impossible, inexistant et utopique, à cet Etat idéal platonique. Cependant l’histoire a de la place pour les déchets et elle balaie toute ordure quand son temps est venu. « Le temps révèle la vérité . »[2]

Par la dictature du prolétariat les classiques ont transformé le socialisme d’une utopie à une science. En nos jours « les camarades » ont transformé le socialisme d’une science à une utopie – et c’est aussi par la dictature du prolétariat !

Comment cela est arrivé ?

En 1971 le Parti communiste bulgare a inscrit dans son programme le suivant :

« L'Etat de la dictature du prolétariat se transforme en Etat national. » (Programme du P.C.B, Partizdat, 1985, p.44).

Ce cette façon on a rejeté d’un geste seulement de iure la dictature de la classe ouvrière, en la faisant tout d’un coup perdre sa raison légale, comme elle n’avait aucun contenu économique. En n’existant pas en tant que système économique pratique, la dictature de la classe ouvrière devait être reniée en théorie. Et elle a été reniée en théorie pour cesser d’exister en pratique.

Dans « Anti-During » Engels explique d’une manière extrêmement claire si, quand et pourquoi « l’Etat du peuple » pourrait exister. Il note qu’elle n’est justifiée qu’en sens de la propagande et pour un temps déterminé, c’.à.d. si seulement la classe ouvrière est en opposition, mais pas si elle est au pouvoir. Elle n’est jusqu’à un certain degré justifiée que pour les buts de la propagande et seulement dans des périodes déterminées de la classe de lutte de la classe ouvrière, mais complètement absurde de point de vue scientifique. En réalité, il devient nécessaire à la classe ouvrière, au cours de sa lutte, qu’elle forme une union avec d’autres classes contre un ennemi commun, par exemple le fascisme ou un oppresseur national, sous le slogan d’un Etat du peuple. Mais après l’élimination de cet ennemi commun, « l’Etat du peuple » est immédiatement désintégrée. Ainsi, « l’Etat du peuple » est-il une fiction, il a un caractère éphémère, de courte durée et pour cela – imaginable. Dans son sens strict d’instrument de classe il est pratiquement un sophisme sans contenu, une banalité complète, enfant de faiblesse intellectuelle. Il n’y a pas de tel Etat ! S’il est Etat, il n’est pas du peuple. S’il est du peuple, il n’est plus un Etat. L’Etat est une institution despotique d’injustice sociale engendrée par deux classes principales, qui sont telles parce qu’elles sont en combat. Voilà pourquoi, en parlant d’un Etat, les classes principales qui le forment, ne peuvent être des amis, comme il a été accepté chez nous, simplement parce qu’elles ne peuvent unir leurs intérêts de classe, radicalement juxtaposés. Tout peuple, enfermé dans un Etat, est divisé en classes. C’est pour cela que le marxisme est une théorie révolutionnaire, parce qu’il est orienté au changement radical de l’Etat. Il est un coup contre la propriété privée aussi que contre l’Etat et pas tellement contre la propriété privé, que contre l’Etat !

Il est vrai que par le Décret de la terre, comme par un nombre d’autre documents de Lénine il a été établi « la propriété nationale », il parle de « coopération nationale », etc. Vraiment, ces mots de Lénine, immédiatement après la révolution, de la propriété et du pouvoir comme … populaire sonnent d’une manière étrange et intrigante ! De ce même Lénine qui luttait contre l’Etat du peuple, étant son ennemi irréconciliable avant la révolution. Le même Lénine, qui, dans son oeuvre géniale « L'Etat et la révolution » deux mois plus tôt avait critiqué « l’Etat du peuple » jusqu’à l’anéantir, dès le premier jour de la révolution a proclamé… une possession national de la terre !

Il est étrange et intrigant, si on ne prend en vue son oeuvre complète et les conditions historiques concrètes, si l’on perd de vue la théorie communiste entière, le marxisme révolutionnaire entier. Aussi étrange et intrigant d’autant que Lénine lui-même rappelle (dans « L’Etat et la révolution » aussi) cet « Etat du peuple » avait la même résonance étrange dans l’oeuvre de Marx. Bien sur, à un abus conscient de toute la théorie du marxisme, il est très convenable d’utiliser ces phrases distinctes, de le faire tourner comme un refrain usé. Cela est le premier.

Secundo. Pendant la Révolution d’octobre en 1917, le prolétariat en Russie représente une pas trop grande partie de toute la structure de classe de la société, tandis que la partie énorme en est la paysannerie. C’est pourquoi il a été établi le pouvoir des ouvriers et des paysans  et pas seulement de la classe ouvrière. Les ouvriers et les paysans composaient en pratique le peuple entier. Voilà pourquoi leur pouvoir ouvrier et paysan a été appelé pouvoir national.

Le 15.09.1946 la Bulgarie a été proclamée pour « Etat du peuple ». D’autres peuples se sont emparés aussi d’une telle acquisition sociale, Etat de la démocratie du peuple » - la Pologne, la Hongrie, la Corée du Nord, etc.

Cet Etat représente une tautologie de point de vue étymologique et philosophique, tout comme « possibilités potentielles » ou « réalité réelle ». Des circonstances déterminées – internes ou externes – ont imposé à faire un tel compromis, reculade du marxisme et ce n’était que dans les buts de la propagande. Cet Etat, ledit « Etat de la démocratie nationale » est proclamée avec l’idée que plus tard, la classe ouvrière ayant des positions affermies, il sera transformé en dictature de la classe ouvrière – en théorie et en pratique, parce que la propagande et l’enthousiasme ne peuvent être éternels. Mais il n’est pas encore un Etat socialiste. L’Etat de la démocratie du peuple, en tant que forme de la dictature du prolétariat n’est fidèle que pour poser le début, le premier degré de la dictature du prolétariat, c’.à.d. l’Etat de la démocratie du peuple n’est pas en réalité de forme, ni degré supérieur de la dictature du prolétariat, mais l’inverse – son début possible et probable. Mais l’Etat de la démocratie du peuple était plus tard accusé d’être une forme de la dictature du prolétariat, pour pouvoir être encore plus tard, en 1971 déjà, « légalement » transformé en Etat encore plus populaire – « l’Etat national » ! Ainsi, la dictature du prolétariat en Bulgarie n’a pas pu, ni en théorie, ni en pratique subsister pour un jour même. « L’Etat du peuple » peut être développé en la dictature de la classe ouvrière, mais cette dernière ne peut jamais être transformée en « Etat du peuple » !

Le dogme universel, accepté jusqu’ici était que la dictature de la classe ouvrière est une transition du capitalisme au socialisme. Et s’il est accepté en tant qu’une transition du capitalisme au communisme, c’.à.d. il englobe la période entière du socialisme, ce serait une absolutisation de la dictature de la classe ouvrière. Parce que pendant le socialisme la classe ouvrière aurait tout d’un coup cessé d’être la force motrice du progrès et le peuple entier en aurait devenu le moteur, c’.à.d. la classe ouvrière avec le bureaucratie des employés.

C’est ce que la science officielle disait – justement parce que la dictature de la classe ouvrière est acceptée en tant que forme et pas comme contenu de l’Etat socialiste. On propageait que après la période de la dictature de la classe ouvrière, l’Etat socialiste n’avait plus d’objet d’oppression de classe dans ses fonctions internes. Les démocrates de la petite et de la grosse bourgeoisie ne se sont toujours  imaginé la dictature de la classe ouvrière qu’en tant qu’un commissaire à la canadienne noire et au revolver, c’.à.d. comme en système politique et pas économique, seulement comme une autorité de la violence. Cependant, même de ce point de vue, envisagée en tant que système politique, la dictature de la classe ouvrière, étant un instrument de classe, doit couvrir la période entière du socialisme. Parce que en tout temps, alors que l’Etat existe, il y aura toujours des employés d’Etat payés pour exécuter son pouvoir et c’est pour cela qu’il sera nécessaire que ces employés soient subordonnés à la classe ouvrière. En autres mots, les employés d’Etat doivent être sans cesse subordonnés à la classe ouvrière, n’importe dans quelle mesure ils sont « du peuple ». Tandis que l’Etat existe, l’objet de l’oppression de classe ne pourra jamais disparaître dans son intérieur, parce que l’objet en est l’Etat même !

La violence de la dictature de la classe ouvrière n’est plus orientée à la bourgeoisie en tant qu’ennemi de classe explicite, mais comme ennemi potentiel, pas directement comme une bourgeoisie existante et visible, mais possible et probable ; on ne lutte plus à la faire descendre du pouvoir, mais pour qu’elle ne ressuscite. Voilà pourquoi la dictature de la classe ouvrière est nécessaire jusqu’à la disparition complète de l’Etat, c’.à.d. pour toute la période du socialisme ! Elle est nécessaire pas seulement à la classe ouvrière, mais à la société entière – pour abattre la vieille bourgeoisie et ne pas donner la liberté de l’apparition d’une nouvelle à l’existence réelle de l’Etat. C’est pour la même cause qu’il est impensable de détacher la dictature de la classe ouvrière du socialisme.

La nouvelle caractéristique de l’Etat socialiste est qu’il représente une domination de la classe ouvrière sur son Etat. Parce qu’il est un Etat en fin de compte ! Mais il est déjà un « semi-Etat », parce que, primo, il ne s’agit pas de domination sur une autre classe réelle, mais sur ses propres employés et, secundo, parce que maintenant il donne le début de la fin de l’Etat en général, c’.à.d. il est en train de disparaître.

Le mot de « dictature » est repoussant. Pour le large public il est associé au régime totalitaire, au fascisme, à Hitler, Stalin ou Pinochet. Mais malgré son nom menaçant, la dictature de la classe ouvrière est cependant la plus démocratique de tous les Etats possibles, plus populaire, c’.à.d. plus proche au peuple entier que l’Etat « le plus populaire » ! L’Etat disparaissant du socialisme semblera déjà de plus en plus à un Etat du peuple entier, mais ce serait justement parce qu’il représente une dictature de la classe ouvrière. Et il en sera jusqu’à sa fin. Et quand les classes sont fondues et le peuple entier devient un tout, et tous les peuples fusionnent en un seul peuple, alors la classe ouvrière, cessée d’être une classe, il n’y aura plus besoin d’un Etat. Mais l’Etat en train de disparaître n’est pas populaire, tout comme « l’Etat populaire » ne peut pas être en train de disparaître.

Le fait, qu’en nos jours les magnats au pouvoir abusent consciemment du mot « dictature » à travers leurs instruments – politologues et journalistes - est une autre question. Ainsi, de manière extrêmement facile et convenable tout « communiste » est anathématisé et conspué comme terroriste – un phénomène qui n’a rien à voir avec la grande idée, mais qui est une chance à sa poursuite et liquidation physique. Mais malgré l’euphémisme mélodique et les succédanés perfides pharisiens appliqués à l’erreur de masse et à travailler les esprits peu ou semi-éduqués, à la manipulation de la conscience sociale des milliers, dans son essence l’Etat restera une dictature de classe, d’une seule classe dominante sur toutes les autres classes, soit-il appelé démocratie ! Mais étant donné que la machine de la propagande et de l’information du gros capital consciemment abuse de la notion de « dictature » 99 % des masses larges, guidées par leur premier système de signalisation, se retirent immédiatement de l’IDEE du communisme. Nous ne pouvons pas ignorer cette cruelle guerre psychologique.  Voilà pourquoi, en parlant de propagande maintenant, dans les temps modernes, afin de communiquer avec les masses de la société contemporaine, nous n’allons plus utiliser la notion de dictature, mais celle de la dictature de la classe ouvrière, qui est la même chose pour nous. Contre la dictature du capital nous allons élever la démocratie de la classe ouvrière !

La violence de l’Etat en train de disparaître à son stade élevé ne sera pas exprimée en collisions armées ou des cordons de policiers, mais en une négation continue, quotidienne ; alors la violence perdra sa forme, ensuite son contenu, ayant déjà crée une norme de comportement, une manière de vivre qui se transformera en habitude, tradition de la société. C’est ce qui est la nécessité d’une dictature de la classe ouvrière au cours de l’existence entière du socialisme, au cours de toute la période de transformation du capitalisme en communisme, pour qu’elle soit véritablement une période « de transformation révolutionnaire du premier au second. » (Marx)



[1] Byron, Don Juan
[2] Sénèque, À la colère, Deuxième livre, XXII, 3)

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